La Russie brûle ses réserves de change pour défendre le rouble
- Par Pierre Avril, Service infographie du Figaro
- Mis à jour
La Banque centrale russe ne cesse de piocher dans ses réserves pour soutenir le rouble. L'an dernier, l'institut d'émission a dépensé 76,1 milliards de dollars et 5,4 milliards d'euros pour tenter de freiner la glissade de la monnaie nationale et ce mouvement devrait se poursuivre en 2015. Soit un montant quelque 30 % supérieur au budget russe de la Défense, pourtant en forte hausse.
Lorsqu'à la mi-mars, la Russie décide d'annexer la Crimée, le rouble encaisse un premier choc, contraignant la banque centrale à vendre jusqu'à 2 milliards de dollars quotidiennement. Après un répit estival, les mêmes opérations se poursuivent à l'automne. Entre-temps, l'Europe a introduit des sanctions économiques contre la Russie, compliquant en particulier le financement des entreprises d'État, ce à quoi Moscou répond en décrétant un embargo sur les produits alimentaires européens. L'inflation s'envole. Pire, elle se conjugue avec une chute continue des prix du pétrole, principale source de revenus de l'État russe, qui évoluent désormais sous la barre des 50 dollars.
Sur les trois derniers mois de l'année, la banque centrale aura dépensé plus de 50 milliards de dollars pour freiner la descente aux enfers du rouble, qui, le 16 décembre, s'est échangé à 100 roubles pour un euro, provoquant un début de panique dans la population. C'est le fameux «mardi noir».
Pire qu'en 2009
Depuis, la monnaie reste convalescente, jamais à l'abri d'une rechute. Lundi 12 janvier, toujours dans le sillage de la baisse des prix du pétrole, l'euro et le dollar menaçaient respectivement de tutoyer les 75 et 63 roubles. Conséquence semblant anecdotique mais significative, les réservations de vacances à l'étranger pendant la période de Noël qui s'achève tout juste ont chuté de 50 % à 70 %, selon des chiffres communiqués lundi.
À deux reprises, la banque centrale a alterné les remèdes en jouant sur les taux directeurs. Mi-décembre, elle a augmenté ce dernier de près de 3 points, le portant à 17 %, resserrant ainsi le robinet du crédit, au risque d'aggraver la récession. La semaine dernière, l'agence Fitch a tiré les conséquences de ces mouvements, abaissant la note souveraine de la Russie à BBB-, un cran seulement au-dessus de la catégorie «spéculative». L'agence de notation s'inquiète notamment de la fonte du niveau des réserves de change, qui sont en partie consacrées à la défense du rouble. En un an, leur montant a baissé de 20 % (voir infographie), s'établissant à 388 milliards de dollars, un niveau inférieur à celui de la crise de 2008-2009.
La crise à venir, avec une inflation largement supérieure à 10 % et une récession probablement supérieure à 4 %, sera pire que l'épisode enregistré à la fin de la dernière décennie, pronostiquent les experts. «Si la chute des prix du pétrole était notre seul problème, la banque centrale se débrouillerait. Mais celle-ci ne peut pas compenser tous les facteurs négatifs qui se conjuguent: une économie non réformée, les sanctions, des attentes négatives sur le climat des affaires…», énumère l'ancien ministre des Finances, Alexeï Koudrine, dans un entretien au quotidien RBK. Après la hausse des taux, les achats massifs de roubles, les investisseurs redoutent désormais l'introduction d'un remède, selon eux, pire que le mal: une limitation possible des mouvements de capitaux…
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