«Euro fort» : la pression politique monte sur la BCE
«Nous retrouvons des niveaux pas connus depuis
2011», a reconnu mardi à Paris Pierre Moscovici, déplorant à mots couverts que
l'euro ait atteint 1,38 dollar il y a une semaine. Une augmentation de 8 %
depuis mars. Quant à Arnaud Montebourg, il plaide désormais pour
«une dévaluation légère nécessaire pour le made in France». «Si l'euro était
dévalué de 10 %, c'est-à-dire de 13 centimes - ce n'est pas la mère à
boire -, nous gagnerions 150.000 emplois supplémentaires», a insisté le
ministre du Redressement productif sur Canal +.
De tels propos laissent penser que ce sont les
États qui décideraient du cours des marchés. «Il n'y a que Paris pour penser
qu'on vit encore dans un univers de taux de changes fixes», commente-t-on à
Francfort, siège de la BCE. Mais sur le fond, l'analyse française rencontre des
soutiens en Europe. «L'euro est désormais la devise la plus forte du monde
vis-à-vis du dollar, du renminbi (l'autre nom du yuan, NDLR), de la livre, du
franc suisse», a déploré mardi le ministre italien de l'Économie,Fabrizio Saccomanni, dans une interview au Financial Times . Il appelle indirectement à
une baisse des taux de la BCE: «Si je comprends les marchés, ils en appellent à
des gestes concrets à un moment donné.»
Ambiguïté de la BCE
Mario Draghi va-t-il reprendre à son compte les
mots que ses deux prédécesseurs ont tour à tour prononcés, mais que l'on n'a
jamais encore entendus dans sa bouche? «En ce qui concerne la monnaie, je suis
à l'évidence M. Euro», avait déclaré en 2004 Jean-Claude Trichet, qui voulait marquer son
territoire vis-à-vis de Jean-Claude Juncker, alors président de
l'Eurogroupe (qui réunit les ministres de l'Économie). Wim Duisemberg, le
premier président de la BCE, avait été tout aussi clair, «M. Euro, c'est moi»,
alors que la monnaie européenne était très faible, à 0,84 dollar à l'automne
2000.
L e taux de change est important pour la croissance
et la stabilité des prix, et nous sommes certainement attentifs à ses
évolutions
Mario Draghi, président de la BCE
Tout en étant considéré unanimement comme le
sauveur de l'euro depuis sa déclaration de Londres de juillet 2012, Mario
Draghi est toujours resté dans l'ambiguïté pour ce qui est du cours de la
devise européenne. «Le taux de change est important pour la croissance et la
stabilité des prix, et nous sommes certainement attentifs à ses évolutions»,
avait-il déclaré il y a un mois à Paris, lors de la réunion des gouverneurs. La
doctrine de la banque centrale selon laquelle «le taux de change est important
mais (…) n'est pas un objectif de notre politique» pourrait-elle évoluer?
Plus que les appels des capitales, plus ou moins
récurrents, surtout du côté français, la vraie nouveauté est d'un autre ordre.
Comme le confie un gouverneur de la BCE, le haut niveau de l'euro «est un vrai
problème qui complique la tâche de la BCE car cela nous éloigne de notre
objectif d'inflation». Plus l'euro est cher, notamment vis-à-vis du dollar,
plus l'inflation est basse dans la zone euro. Or elle est tombée à 0,7 %
sur un an, selon les chiffres publiés la semaine dernière par Eurostat. Très
loin de l'objectif officiel de 2 % de la BCE.
Cette dernière se doit donc d'agir, non pas pour
faciliter la vie des exportateurs français ou italiens, mais pour remplir son
propre mandat qui est la stabilité des prix, aujourd'hui menacée par le bas du
fait de la surévaluation de l'euro.
Une nouvelle baisse des taux directeurs,
actuellement de 0,5 %? Un programme supplémentaire de liquidités à long terme
(LTRO), pour les banques? À une
écrasante majorité, le panel d'économistes de marchés consultés par l'agence
Reuters n'attend pas d'annonce nouvelle sur ces deux points «techniques». En
revanche, «super Mario» est très attendu sur la doctrine vis-à-vis du taux de
change de l'euro, plus que jamais au cœur de la politique monétaire de la BCE0
Pour son deuxième anniversaire à la tête de la BCE, la Banque centrale
européenne, Mario Draghi, qui préside aujourd'hui à
Francfort la réunion mensuelle des gouverneurs, est très attendu sur le sujet
qui préoccupe à Paris comme à Rome:l'euro trop fort.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire