Hollande s'appuie sur le Japon pour contrer la Chine
- HOME ACTUALITE POLITIQUE
- Par François-Xavier Bourmaud
- Mis à jour
- Publié
DÉCRYPTAGE - Le chef de l'État veut que la France reste au niveau face à la puissante concurrence chinoise. Le Japon pourrait contribuer à cet objectif. C'est tout le sens du voyage du président de la République.
Sur le moment, François Hollande n'a pas réalisé. Mais à l'évidence, son erreur l'a plus qu'agacé. Car en entamant vendredi sa visite d'État au Japon par un lapsus l'ayant amené à présenter «les condoléances du peuple français au peuple chinois» pour la mort de dix Japonais lors de la prise d'otages d'In Amenas en Algérie au début de l'année, le président de la République a en fait livré la clé de lecture de son voyage: l'obsession chinoise ou comment faire pour que la France reste à niveau face à la concurrence de ce puissant pays émergeant? Cela tombe bien, le Japon connaît les mêmes tourments.
D'ailleurs, sur les trois questions posées à François Hollande après son intervention samedi devant les chefs d'entreprise japonais, la première concernait la crise de la zone euro, la deuxième le Japon, la dernière la Chine: «C'est un pays émergent incontournable pour nous. Quels rapports voulez-vous établir avec lui?» lui demande l'animateur de la rencontre. Début de la réponse de François Hollande en forme de boutade révélatrice: «Votre question est dangereuse!» Et pour cause.
Au-delà des tensions qui règnent actuellement entre les deux pays asiatiques, un doute s'est installé au Japon sur sa capacité à maintenir son rang au niveau mondial face à la Chine. Un doute que l'on retrouve à l'identique dans l'Hexagone. «Il y en a qui pensent en France qu'il y a eu un âge d'or hier ou avant-hier. Mais ce qui compte, c'est demain. Pas hier. Nous avons tous les atouts pour réussir», avait auparavant assuré le chef de l'État dans son discours. Mais à condition de ne pas, trop, compter sur la Chine.
Une visite d'État satisfaisante
Après la visite de François Hollande dans le pays le mois dernier, la décision de Pékin de taxer les vins a achevé de convaincre Paris que, décidément, les relations entre les deux pays étaient trop mouvantes pour être fiables. Autant dès lors contrebalancer en s'appuyant sur le Japon. C'est d'ailleurs tout ce qu'indique François Hollande dans la fin de sa réponse aux entrepreneurs japonais. «Nous devons travailler avec la Chine, assure-t-il avant de poser le cadre. Nous devons le faire néanmoins en cohésion, en posant des règles, des principes. Nous avons effectivement des problèmes commerciaux avec la Chine.» Avec le Japon, ce n'est pourtant pas plus simple. Mais cela s'annonce beaucoup plus solide. Dans l'entourage de François Hollande, on ne manquait pas une occasion de faire remarquer le lustre avec lequel les Japonais recevait la France: trois rencontres avec l'empereur, des menus alliant la gastronomie des deux pays, des attentions de tous les instants… François Hollande lui-même devait conclure son voyage en se déclarant «satisfait de cette visite d'État».
Car entre les troisième et cinquième puissances mondiales, il n'a pas été question que d'économie tout au long des trois jours du voyage. Le président de la République a aussi énormément insisté sur l'aspect culturel. Jusqu'à citer Claude Lévi-Strauss devant l'empereur Akihito lors du dîner de gala donné en l'honneur de la France. «Séparés par des espaces immenses situés sur leur frange, la France et le Japon paraissent se tourner le dos. Pourtant, ils partagent le même destin», a ainsi cité François Hollande avant de rappeler l'attitude des Français après la tragédie de Fukushima: «Un mouvement de solidarité spontanée a vu le jour. C'est bien le signe de notre amitié.»
La Chine continue à monter en puissance
Reste désormais à donner corps à ce «partenariat d'exception» engagé ces trois derniers jours entre la France et le Japon. Des accords ont été signés, sur le nucléaire, les échanges d'étudiants… mais le plus dur reste à faire. Car pour l'heure, les deux pays sont encore en crise. Et les solutions mises en place par chacun pour en sortir diffèrent largement. Englué dans la déflation et la croissance molle depuis plus de quinze ans, le Japon a choisi de s'appuyer sur le triptyque déflation, relance budgétaire, réformes structurelles pour tenter de relancer la croissance.
De son côté, la France a opté pour la rigueur budgétaire et l'assainissement des finances publiques, mais sous la contrainte de Bruxelles. François Hollande peut sembler par moments le regretter, il n'en est pas moins tenu de s'y plier. Mais pendant ce temps, la Chine continue à monter en puissance. «Il y a bien un jour où l'on arrêtera de dire “pays émergent”, on dira puissance mondiale», raconte un diplomate. L'enjeu de l'accord entre la France et le Japon est de faire en sorte qu'alors, les deux pays puissent lui être d'égal à égal.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire