Le boom pétrolier américain sera encore plus important que prévist
Par Fabrice Nodé-Langlois
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Grâce au pétrole de schiste, les États-Unis n'importeront plus que le tiers de leurs besoins dès 2018. L'impact de cette révolution américaine sera mondial, relève un rapport de l'Agence internationale de l'énergie.
L'essor spectaculaire de la production de pétrole de schiste aux États-Unis restera le fait dominant du marché pétrolier mondial dans les cinq années à venir, prédit l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans son rapport prospectif de «moyen terme» publié ce mardi. Après une progression de 1 million de baril par jour (Mb/j) en 2012, un bond inégalé dans l'histoire de l'or noir en dehors de l'Opep, les États-Unis produiront 2,8 Mb/j supplémentaires d'ici 2018, prévoit l'AIE, soit près de 12 Mb/j, autant que la capacité saoudienne actuelle. Des estimations revues à la hausse depuis la précédente livraison du même rapport, l'an dernier. Résultat, alors que les États-Unis ont importé 51 % de leurs besoins pétroliers en 2012, cette dépendance à l'étranger sera réduite à 35 % dès 2018. Cerise sur le gâteau, les huiles de schiste et les condensats associés aux gisements de gaz sont d'une excellente qualité, légère, très adaptée aux raffineries américaines, que beaucoup voyaient condamnées à une inéluctable fermeture voici peu.
Onde de choc planétaire
«L'Amérique du Nord a déclenché un choc d'offre qui diffuse ses ondes à travers le monde entier», commente Maria van der Hoeven, la directrice de l'AIE. En comptant la production du Canada (en hausse de 1,24 Mb/j sur cinq ans grâce aux sables bitumineux de l'Alberta), la part de l'Amérique du Nord dans la production mondiale passera de 16,7 % en 2012 à près d'un cinquième -19 %- en 2018. Dans le même temps, pronostique l'Agence internationale basée à Paris, l'extraction dans les pays de l'Opep n'augmentera que de 1,75 Mb/j, 30 % de moins que prévu dans le précédent rapport. Cette progression sera presqu'exclusivement alimentée par l'Irak, qui supplantera l'Iran dès cette année malgré les incertitudes géopolitiques et économiques l'entourant. Dans le reste du «cartel», outre l'Iran, l'Algérie, l'Équateur, la Libye mais aussi le Koweït devraient voir leur capacité de production décliner, faute d'investissements suffisants dans l'exploration et la production selon l'AIE.
Conséquence mécanique du rôle accru de l'Amérique du Nord, les flux du commerce mondial de l'or noir vont basculer. Les exportations du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique latine à destination de l'Amérique du Nord se réduiront de 2,1 Mb/j sur les cinq ans. Les ventes de brut vers l'Asie augmenteront en revanche de 3 Mb/j.
Appétit croissant des émergents
Car côté demande, la tendance actuelle va se poursuivre: stagnation voire baisse de la consommation de produits pétroliers dans les pays développés face à un appétit toujours croissant dans les pays émergents. Un cap symbolique sera franchi dès le prochain semestre: pour la première fois dans l'histoire, la demande de brut des 34 pays de l'OCDE sera dépassée par celle du reste du monde, lequel représentera en 2018 54 % de la consommation contre 49 % en 2012. Nouveauté du quinquennat à venir, les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et l'Arabie saoudite pèseront relativement moins dans le surcroît de consommation à mesure que les autres pays en développement, en Afrique en particulier, prendront le relais.
Et les prix? L'AIE affirme ne pas faire de prévision de prix en tant que telle, à la différence d'acteurs comme Goldman Sachs. Mais l'agence, qui représente depuis 1974 les gros pays consommateurs, fonde ses scénarios d'offre et de demande sur des tendances indicatives de prix. Le prix moyen d'importation de l'AIE se situerait à 93 dollars le baril en 2018 contre 109 en 2012 et 2013. Ce sont d'ailleurs les prix élevés du baril qui ont stimulé en Amérique du nord l'exploitation de réserves non conventionnelles plus chères à extraire.
La révolution américaine, fait saillant de la période à venir, va s'inscrire dans un environnement économique et géopolitique plus incertain que jamais, tient à rappeler l'AIE: crise de la dette en Europe, ralentissement de la croissance chinoise, suites du printemps arabe, crises syrienne et iranienne. Autre incertitude, l'amélioration de techniques de forage qui a présidé au boom pétrolier actuel en Amérique du Nord pourrait bien permettre l'extraction de quantités immenses d'hydrocarbures non conventionnels en Amérique du Sud, en Chine et en Russie mais aussi améliorer le taux de récupération de champs matures. Les ondes de choc de la révolution américaine vont se répercuter encore longtemps.
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