Pourquoi la crise politique au Portugal inquiète les marchés
- Par Mathieu de Taillac
- Mis à jour
- Publié
La crise politique à Lisbonne révèle la fin du consensus en faveur de l'austérité exigée par le FMI et l'UE. Elle pourrait déboucher sur des élections anticipées.
Une crise politique inattendue au Portugal, déclenchée par des démissions en cascade au gouvernement a réveillé les craintes des investisseurs sur la stabilité de la zone euro. Les taux des obligations portugaises à 10 ans se sont envolés au-delà de 8 %, au plus haut depuis novembre 2012. Les rendements obligataires se sont tendus en Grèce, Italie, Espagne. La Bourse de Lisbonne a chuté de près de 5,31 %, entraînant toutes les Bourses européennes dans le rouge. Mais en fin de journée, la contagion semblait contenue. L'indice européen Euro Stoxx 50 était en baisse de 1,2 % seulement.
Les investisseurs s'inquiètent pour la poursuite du plan de sauvetage du Portugal, pays en récession dont l'économie reste très fragile. La crise politique révèle la fin du consensus en faveur de l'austérité imposée par les créanciers en contrepartie de 78 milliards d'euros d'aide financières. Elle ouvre la voie à une possible démission du gouvernement et à des élections anticipées. Seule corde de rappel empêchant la contagion de se poursuivre, d'après les analystes: le Portugal n'a pas besoin de se refinancer sur les marchés avant le premier trimestre 2014.
Depuis l'annonce de la démission «irrévocable» du ministre des affaires étrangères, Paulo Portas, le sort du gouvernement Passos Coelho est incertain. Le ministre des Affaires étrangères détient la clé de la stabilité du gouvernement. Chef de file du parti conservateur Centre Démocratique Social (CDS), il apportait jusqu'à présent les députés manquant à la majorité parlementaire du Premier ministre, Pedro Passos Coelho. Si, dans le sillage de Portas et des ministres et des députés conservateurs retirent leur confiance au gouvernement, Passos Coelho pourrait être contraint à la démission.
Victoire des socialistes
Le chef de la diplomatie portugaise a justifié sa décision par la nomination aux Finances de la secrétaire d'État au Trésor, Maria Luis Albuquerque, en remplacement du ministre, lui aussi démissionnaire, Vitor Gaspar. Cet économiste indépendant était parvenu à rouvrir l'accès de Lisbonne aux marchés financiers, au prix d'une vague d'austérité sans précédent. Gaspar était considéré comme l'homme de confiance de la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI), qui supervise l'aide financière de 78 milliards d'euros débloquée en 2011. Il était très impopulaire. Paulo Portas considère que le choix d'Albuquerque pour lui succéder est une occasion manquée de relâcher l'étau de l'austérité, qu'il juge très excessif.
Reste à savoir si la rupture de la coalition gouvernementale entraînera un retrait de l'appui du CDS à la Chambre. Selon le magazine économique Expresso, la démission de Portas est une décision personnelle qui a suscité la surprise et la consternation de ses troupes. Le chef du CDS s'en expliquera lors d'une réunion prévue ce week-end, alors que les sondages sont défavorables au parti.
Si, au contraire, le Parlement est dissous, et des élections convoquées, les sondages prédisent une majorité absolue pour le Parti socialiste (PS), actuellement dans l'opposition. Une victoire socialiste pourrait entraîner un changement de rythme dans la réduction des déficits et l'intégration de mesures de relance. Le cap de la rigueur devrait toutefois être maintenu.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire