lundi 25 février 2013




Une nouvelle taxe sur les mines lourde de conséquences

To match feature ENVIRONMENT-MINING/TOYOTA
Une mine de terres rares à Mountain Pass, en Californie. Crédit Photo : © David Becker / Reuters/REUTERS
FOCUS - Des sénateurs veulent moderniser une loi datant du 19e siècle, permettant l’exploitation presque gratuite des mines sur les terrains publics. L’Etat espère récupérer des centaines de millions de dollars.
C’est un bouleversement de grande ampleur qui se profile dans le secteur minier américain, et par ricochet, dans le secteur mondial. Le Congrès cherche en effet à modifier la General Mining Act de 1872, qui encadre cette activité. Une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur les marchés.
• Que dit cette loi?
Elle a été promulguée par le président Grant au moment de la ruée vers l’or dans le grand ouest américain. Agacé par l’anarchie qui régnait dans la région, ce dernier souhaitait encadrer et développer cette activité. La loi contient deux volets importants: le premier autorise les groupes privés à mettre la main sur les mines d’or, d’argent, d’uranium ou encore de cuivre, situées sur des terrains publics, pour seulement 5 dollars par acres [il faut environ 2,5 acres pour faire un hectare, ndrl]. Ces prix très faibles, qui sont ceux de 1872, sont encore appliqués aujourd’hui. Ainsi en 2008, un groupe privé a acheté une montagne du Colorado pour 875 dollars....Le deuxième autorise ces groupes à extraire les ressources sans verser une seule taxe d’exploitation. Enfin, cette loi du 19e siècle ne comporte aucun volet environnemental obligeant les industriels à financer le nettoyage des mines abandonnées.• Pourquoi vouloir la changer aujourd’hui?
D’après les membres démocrates du Congrès Raul Grijalva et Tom Udall, cette loi complètement anachronique permet aux groupes de profiter des hausses des cours de l’or (+77,5% sur les cinq dernières années), de l’argent (+75% sur la même période) ou du cuivre (+3,2%), sans contrepartie.Le manque à gagner pour l’Etat serait très important bien que difficile à évaluer en raison du manque de données sur ces mines. «Les agences fédérales ne collectent pas d’informations», déplore le rapport gouvernemental ci-dessous, publié en décembre dernier.
Cette loi est par ailleurs injuste à l’égard des industries du charbon, du pétrole ou du gaz qui sont taxées à hauteur de 12,5% sur les ressources extraites. Enfin, le dernier problème est d’ordre environnemental. D’après les défenseurs locaux, il existerait actuellement près de 500.000 mines abandonnées, essentiellement dans l’ouest du pays, près de parc nationaux et autres sites protégés. Le coût du nettoyage des déchets toxiques est estimé entre 32 et 72 milliards de dollars.
• Sur quoi porterait la réforme?
Le principal objectif des sénateurs est d’abord financier: ils proposent d’instaurer une taxe minière de 12,5% sur les ressources extraites des sous-sols publics. D’après Raul Grijalva, cela permettrait de récupérer des centaines de millions de dollars par an.«Alors que nous faisons à nouveau face au défi budgétaire, voilà des sous que nous devons récupérer», explique-t-il. Le député a pris comme exemple la mine de Goldstrike dans le Nevada, propriété de Barrick Gold, dont une partie est située sur les terrains publics. Le groupe aurait pu payer 150 millions de dollars de taxe sur les 1,1 million d’onces d’or extraites de ce site en 2011. L’autre géant minier américain, Freeport-McMoran, pourrait devoir payer 700 millions de dollars pendant toute la durée de vie de certaines de ses mines, selon les calculs de Reuters. «Nous donnons notre or et notre argent gratuitement, et nous ne savons même pas combien nous donnons!», s’insurge Tom Udall.
• Quels enjeux?
Les industriels avancent déjà leurs arguments: selon eux, une nouvelle taxe viendrait alourdir leurs coûts d’exploitation. L’enjeu mis sur la table est la défense de la compétitivité des sociétés américaines dans un marché très concurrentiel. «Aujourd’hui, toute nouvelle charge est extrêmement fragilisante pour les compagnies minières qui font très peu de marges, contrairement à ce que l’on croit, confirme Benjamin Louvet, gérant chez Prim’Finance. Produire une once d’or coûte près de 1500 dollars. Malgré une hausse des prix de l’or, elles gagnent moins bien leur vie». La taxe moyenne sur une once produite était d’environ 20 dollars en 2005 pour une once à 500 dollars environ. En 2011, elle atteignait 210 dollars pour une once à 1600.
Sur les marchés, la réforme envisagée pourrait avoir un impact sur les cours de l’or. «En fonction des quantités extraites touchées, cela pourrait entraîner une hausse des charges des compagnies minières qui seront répercutées donc une hausse des prix de l’or. Ou bien une baisse de la production en raison de fermetures de mines trop chères à exploiter avec là encore une hausse des cours à moyen terme», explique le gérant.
La répartition du coût de production d’une once d’or. Source: CIBC World Market, US Fund,
A l’heure de la rigueur budgétaire, les Etats-Unis ne sont pas les seuls à envisager d’alourdir les taxes du secteur. D’après une récente étude d’Ernst&Young, 35 pays ont augmenté leur fiscalité sur les ressources minières entre 2010 et 2012.
La taxation sur les mines s'accentuent
«En Afrique par exemple, les groupe miniers ont vu leurs charges exploser. L’électricité a grimpé de 150% et le coût de la main d’œuvre de 75% ces dernières années!», note Benjamin Louvet. «Aujourd’hui, le seul moyen de retrouver de la valorisation pour ces groupes est l’acquisition d’autres sociétés. Mais là encore, les résultats précédents s’avèrent décevants. C’est tous ces problèmes qui justifient d’ailleurs la décorrelation entre les cours de l’or et celui des actions minières en Bourse», ajoute le gérant.
• Cette loi modernisée a-t-elle une chance de voir le jour
D’un point de vu politique, cette réforme risque de se heurter à un mur. Ce n’est pas la première fois que les Américains envisagent de faire entrer leur industrie minière dans le 21e siècle mais toutes les tentatives se sont soldées par un échec. Dans les années 1960, le père du sénateur Udall avait déjà tenté la réforme. En 2007, le représentant Nick Rahall, président du Comité des Ressources Naturelles à la Chambre des Représentants, avait également déposé un texte de loi au Congrès, resté sans suite. L’industrie dispose en effet de nombreux alliés au Congrès en raison de son poids dans l’économie de l’ouest. Les débats s’annoncent mouvementés...

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